Kaboul autrement dans le journal!
Incroyable, inouïe, quelle surprise en lisant les journaux ce matin : un article sur l’Afghanistan, sur l’Afghanistan autrement !
Pas de guerre, pas d’attaque, on parle de théâtre et on parle du petit Prince joué à Kaboul il y a 2 semaines !
| 02.10.10 | 13h35 • Mis à jour le 02.10.10 | 13h35
C'est à Kaboul, avec ses barrages de police sur fond de collines pierreuses. Mais, à l'intérieur de la salle, sur la scène éclairée par un projecteur, il y a un roi, une rose, un allumeur de réverbères, un vendeur d'étoiles, un vantard, un renard, un serpent et un aviateur échoué sur le sable. Et bien sûr, un Petit Prince, scintillant de tout l'éclat de son écharpe jaune.
Le 22 septembre, le centre culturel français de Kaboul - dont le nouveau complexe flambant neuf vient d'être inauguré - produisait l'immortelle oeuvre d'Antoine de Saint-Exupéry, jouée par la troupe afghane Azdar dans une mise en scène d'Arash Absalan.
La salle était comble, envahie par les élèves des deux lycées francophones de la capitale afghane - Esteqlal (garçons) et Malalaï (filles) -, auxquels s'étaient joints des enfants des rues, qu'une initiative locale tente d'associer à la création théâtrale. Le jeune public riait de bon coeur, au risque parfois du chahut, alors que se dévoilait l'absurdité de ce monde adulte perché sur ses planètes. L'espace d'une matinée scolaire, 500 petits princes afghans se sont frottés à l'univers de Saint-Exupéry.
Arash Absalan ne cachait pas son bonheur. Metteur en scène iranien familier de l'Afghanistan, où il retrouve avec passion "le fonds commun brut de la culture persane", il trimbale en lui l'émotion du Petit Prince depuis sa plus tendre enfance.
INNOCENCES BROYÉES
Il y a quelques années, lors d'une adaptation phonographique du livre en Iran, il avait fini l'enregistrement noyé de larmes. En Afghanistan même, avec sa folie de la guerre et ses innocences broyées, la symbolique du Petit Prince lui tient particulièrement à coeur. Mais à ses yeux la portée de l'oeuvre transcende l'actualité apparente, avec son débat sur la recherche d'une solution pacifique. "Le Petit Prince porte en lui un message bien plus grand que la paix, dit-il. La notion fondamentale, c'est la capacité d'apprivoiser l'autre et d'être apprivoisé par lui. Voilà ce qui rend le dialogue plus riche." Et voilà ce qui rendrait peut-être le monde adulte de l'Afghanistan - et des puissances extérieures qui y interviennent - moins belliqueux.
Ce Petit Prince de Kaboul est la manifestation d'une création théâtrale en Afghanistan qui ne demande qu'à s'épanouir. La troupe Azdar, créée par Guilda Chahverdi, avec le soutien de l'association française Hasards d'hasards, de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), a déjà monté, à Kaboul, L'Histoire du tigre, de Dario Fo, Ubu roi, d'Alfred Jarry, et Macbeth, de Shakespeare.
De son côté, la troupe d'Aftaab, formée à l'école d'Ariane Mnouchkine et du Théâtre du Soleil, s'est lancée dans l'aventure de Roméo et Juliette et de Tartuffe. Chaque année, le département de théâtre de l'université de Kaboul forme des promotions entières de comédiens. Un autre visage de l'Afghanistan.
Frédéric Bobin (Kaboul, envoyé spécial)